CHAIR INFINIE
Tome I L'emmurée
Tome I – L’Emmurée
De l’enfermement du corps à la quête de liberté.
Errance médicale, douleur invisible, solitude… mais aussi la découverte de la résilience, de la spiritualité et de la lumière intérieure.
L’Emmurée, c’est l’histoire d’une traversée intime, mais c’est aussi un miroir tendu à tous ceux qui cherchent un chemin pour transformer leurs épreuves en force.
C’était une structure étrangère, dépouillée de sa familiarité. Lourde. Fragile.
Vulnérable. Allongée, les draps sur moi comme une seconde peau, chaque
tension dans mes muscles me renvoyait à une force qui, jusque-là, m’avait
semblé acquise. La hanche fusillait un ordre sourd et rouge : ne bouge pas.
Ma jambe, telle une terre lointaine et inaccessible, semblait appartenir à
quelqu’un d’autre. Je vivais en elle sans y vivre vraiment, comme si le contrat
tacite entre ma conscience et sa matière avait été rompu.
Alors, pour fuir cette prison dont je ne pouvais m’échapper physiquement,
j’ai recherché des échappatoires ailleurs. Dans mon esprit, rien ne me
retenait. Là, au fond de cette captivité, je me suis réfugiée dans des mondes
beaucoup plus vastes. Les livres sont devenus mes jambes, chaque page un
pas vers un ailleurs où la douleur n’existait pas. Et mes rêves... oh, mes rêves !
Ils avaient au début cet éclat merveilleux. Je skiais. La neige s’ouvrait sous
mes spatules avec ce crissement sec et rythmé qui transporte. Le froid vif
fouettait mes joues. L’odeur cristalline de l’hiver emplissait mon souffle.
Chaque glissade était légère, chaque virage était un instant suspendu dans un
équilibre fragile, parfait. Quand je me réveillais de ces rêves-là, je pouvais
presque croire que je les avais vécus. Pendant des secondes complètes, j’étais
entière à nouveau. Mais tout cela s’est dissout. Avec la morphine, un rideau
gris s’est abattu sur mes nuits. Les rêves se sont inversés, déformés en
cauchemars—et même mon espace intérieur s’est refermé. Il ne restait qu’un
présent lourd, inflexible. Un présent colossal dans son immobilité. Chaque
jour, je tentais de m’acclimater à cette lenteur forcée. M’accrocher à la
possibilité d’un futur si transparent qu’il n’était souvent plus qu’une chimère.
Un jour peut-être—oui peut-être—me verrais-je remarcher, sentir à nouveau
ce poids rassurant d’un corps en entier, marchant pour moi.